13.4.04

RWANDA: MYTHES ET REALITES SUR LE GENOCIDE (2e de 2)


Photo issue de: BBC News. Cette image noire transmet l'ampleur des tueries. C'est dans l'église de Nyarubuye, lieu d'un massacre infâme. Beaucoup des crânes sont écrasés, indiquant les coups de tête infligés par les génocidaires.


-Des atrocités ont été commises des deux côtés.
Et alors? On se servait de cette même équivalence morale pour justifier l'inaction aux Balkans. Il y a eu sans doutes des atrocité commis par le FPR (rebelles combattant le régime génocidaire) mais rien dans le même univers en termes d'échelle. Bien qu'on doive punir tous les crimes de guerre quelque soit l'auteur, il y a une grande différence entre les excès des unités individuelles et une campagne d'extermination massive bien organisée et planifiée. Imposer une équivalence morale entre les deux, c'est dégoûtant.


-Les Casques bleues étaient présents sur le terrain. Pourquoi n'ont-elles pas intervenues?

L'ONU n'a pas agi puisque la France, les Etats-Unis et la Belgique n'ont pas voulu qu'elle agisse... comme je l'ai expliqué auparavant. Notez bien que deux des trois pays se siègent au Conseil de sécurité. Le chef des Casques bleues, le général Dallaire, a demandé que sa mission soit doublée. Le Conseil d'(in)sécurité l'a réduit de 90%. Après être informé du génocide planifié avant que celui-ci ait commencé, le général Dallaire a demandé un renfort du mandat de sa mission. Le Conseil d'(in)sécurité a rejeté sa requête et l'a contraint d'être témoin au génocide sans pouvoir intervenir. Le Casques bleues ont voulu agir; les ETATS-MEMBRES de l'ONU a refusé.


-Les tueries étaient si chaotiques que même une intervention n'aurait pu rien.

Cette excuse est une variation du mythe Rwanda=Somalie. Le Rwanda n'était pas la Somalie. Les massacres au Rwanda étaient meticuleusement planifiés. La violence était choréographiée au point que la Radio de la Haine lisait les noms des personnes à être tuées, Des gens étaient contraints par les organisateurs à tuer, faute d'être tués eux-même. En tant que le pays le plus catholique de l'Afrique et après 35 ans de dictature, les Rwandais étaient habitué à obéir sans question l'autorité. Si la communauté internationale aurait fait la moindre pression sur les organisateurs pour qu'ils haltent la violence, les tueries se seraient arrêtées rapidement.


-[Mon pays] n'est pas la police mondiale. Il ne peut pas dépêcher des soldats à chaque endroit troublé.

Ceci n'est pas un mythe. C'est la vérité. Mais c'est aussi un homme de paille. Beaucoup de mythes ont besoin d'être démoli mais ce mythe en est le premier. Le fait de ne pas dépêcher des soldats ne signifie pas qu'on ne devrait absoluement rien faire. Lors d'un génocide ou guerre civile terrible, tant de gens ne présente que deux réponses possibles: dépêcher des soldats (nos soldats) ou ne rien faire de tout. Jouer à l'autruche. Faire sembler que le problème n'existe pas. Dire que c'est mauvais et retourner aux louanges de Gadaffhi.

Même si un pays occidental ne dépêcher ses soldats, il y a presque toujours quelque chose d'autre qu'il peut faire afin d'améliorer la situation.

Lors d'une entrevue avec le service anglais de Radio Netherlands: Samantha Power a noté plusieurs choses importants. Si les Etats sont sérieux, ils ont beaucoup d’options à part l’envoi de leurs troupes. Ils peuvent gêler les avoirs des criminels, les menacer de traduction devant la justice, dénoncer les génocides en cours et expulser les ambassadeurs qui disent des propos mensongers auprès des institutions internationales. Même si un Etat occidental refuse de dépêcher ses propres troupes, il peut encourager les autres Etats à le faire. Il peut même sensibiliser le monde aux horreurs en cours. Aucune de ses choses ont été faite au Rwanda.

Les Etats-Unis (j’en parle parce que c’est mon pays et puisque la France avait un intérêt à protégér son régime client à Kigali, celui qui exécutait le génocide) auraient pu beacoup faire au Rwanda à part l’envoi des soldats américains.

Par exemple, l’administration Clinton aurait pu:

*appuyer le renfort de la mission onusienne déjà présente au Rwanda et composés d’hommes envoyés volontairement par leurs gouvernements.

*mieux coopérer avec les Etats est-africains qui voulaient intervenir mais avaient besoin de louer des équipements militaires.

*empêcher les ondes de la Radio de la haine qui diffusait les noms des personnes à être massacrées et exhortaient les masses par leur dire que “les fosses ne sont pas encore remplies.” L’administration Clinton craignait qu’un tel empêchement risquait de contrevenir les traités internationaux sur la radiodiffusion.

*qualifier clairement les événements en cours de génocide, les dénoncer ensuite et mettre en garde publiquement les organisateurs de leur responsabilité.

*mettre une pression sur la France pour qu’ils poussent leurs alliés dans le régime à halter les massacres.

*expulser l’ambassadeur rwandais à Washington et prôner l’expulsion du représentant rwandais auprès de l’ONU.


Plutôt de n’importe lequel de ses choix, l’administration Clinton a préféré de nier le génocide en cours jusqu’à après son achèvement. En fin mai, l’administration Clinton a finalement employé le mot ‘génocide’ mais avec une mitigation malheurese: elle parlait des ‘actes de génocide’ au Rwanda.

Rwanda représente le triomphe tragique du faux choix ‘tout ou rien.’

Bien qu’il s’appuie trop sur l’aspect militaire des affaires internationales, le président Bush semble avoir brisé le faux choix de ‘tout ou rien.’ Il a gêlé les avoirs du dictateur zimbabwéen Robert Mugabe et a interdit Mugabe et ses proches de voyager aux Etats-Unis. Il a publiquement condamné le nettoyage ethnique au Darfur (providence occidentale du Soudan) dont est complice le régime de Khartoum. Son anéantisement du faux choix de ‘tout ou rien’ était évident au Liberia. Bien qu’il ait refusé l’intervention américaine demandée par toutes les parties guerrières (et civiles), Bush n’a pas jouer à l’autruche. Il a condamné le dictateur Charles Taylor, gêlé ses avoirs et a mis une pression sur le président nigérain Obasanjo pour qu’il encourage le dictateur Taylor de quitter le pouvoir. Taylor a fini par accepter l’offre d’asile au Nigeria, au soulagement de tous. Notamment des Libériens. Même s’il ne faisait pas tout qu’on voulait, des millions de Libériens étaient épargnés d’une bataille jusqu’au-bout à Monrovia. C’est pas souvent je remercie le président Bush mais beaucoup de vies ont été sauvée par son rejet du faux choix de ‘tout ou rien.’ Si Clinton avait appliqué le même standard au Rwanda, quelques unes de 800 000 morts aurait survécu.


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Demain: les orphelins du génocide.

Lecture recommandée: Dossier sur le Rwanda du Monde diplomatique

RWANDA: MYTHES ET REALITES SUR LE GENOCIDE (1re de 2)


Photo issue de: L'Unicef. En 1994 au Rwanda, un garçon avec une cicatrice sur la nuque se tient devant d'autres enfants à l 'extérieur de l'école primaire de Cyugaro. Le garçon avait été blessé par un coup de machete lors du conflit civil.


Des Occidentaux tiennent à pas mal de mythes sur le génocide rwandais et la non-réaction de la communauté internationale. Cet écrit sert à en démystifier quelques un.


-Ces haines ethniques se sont tant enracinées qu'il ne valait pas la peine d'intervenir.

En 1994, 'des haines ethniques anciennes' est devenue presque la nouvelle devise des Etats-Unis et l'Union européenne. L'Occident s'en est tant servi pour justifier leur refus d'agir en ex-Yougouslavie; la duplication de cette excuse pour ne rien faire au Rwanda s'est faite sans la moinde difficulté. Comme je l'ai dit, le plus grand et dangereux mythe de tout est que Hutus et Tutsis sont deux ethnies distinctes. Ils sont une ethnie divisée par classe par les colonisateurs belges. Même si on accepte les douteuses propositions qu'ils soient deux ethnies et qu'ils se détestent depuis le premier jour de cette division arbirtaire par les Belges, ces 'haines ethniques anciennes' étaient anciennes de moins d'un siècle. Par contre, les 'ethnies' catholique et protestante d'Irlande du Nord se battent depuis (au moins) le 17e siècle. Le président Bill Clinton s'est impliqué dans une resolution de cette dispute bien que la haine tribale soit plus ancienne de loin que celle au Rwanda.

-Les tueries étaient spontanées et la situation était si chaotique qu'une intervention n'aurait pu rien faire.

Le sous-entendu de cette excuse: le Rwanda était une Somalie redux. Ce mythe était puissant en raison de l'ignorance généralise en Occident de l'Afrique de l'Est. Une partie de cette ignorance était volontaire de la part des gens, notamment américains, qui ne voulait pas une intervention et donc ont décidé de croire à ce qui correspondait à leurs idées reçues. Il est difficile pour les journalistes d'analyser la situation au cours d'une guerre. Mais le Rwanda était en fait le contraire de la Somalie. La violence en Somalie était provoquée par l'anarchie; au Rwanda, elle était planifiée et executée meticuleusement. La société somalienne était notorieusement divisée; la société rwandaise tenait à une obédience profonde à l'hierarchie et à l'autorité. La Somalie était le hasard; le Rwanda était choréographié, jusqu'à la radiodiffusion des noms des personnes à être massacrées. La confusion de la guerre rendaient les choses confuses pour les journalistes mais l'administration Clinton avait des renseignements inambigus.


-Ah, mais vous êtes trop dure. Peut-être, l'administration Clinton n'appréciait pas alors l'ampleur de la situation au Rwanda.

C'est ce qu'a prétendu le président Clinton lui-même à sa visite de 1998 à Kigali. Ou bien à l'aéroport de Kigali, ce qu'il n'a jamais quitté. "Ca peut vous sembler étrange aujourd'hui, surtout à vous qui avez perdu des parents, mais aux quatre coins du monde, il y avait des gens comme moi qui, jour après jour, n'apprécait pas [pause] l'ampleur [pause] et la rapidité [pause] de la terreur inimaginable qui vous entourait."

Il y a deux semaines, le The Sydney Morning Herald, entre autres, a rapporte que des documents prouvent que l'administration Clinton savait que ce qui se passait au Rwanda était un génocide. Le quotidien australien a noté que des hauts cadres employaient le même génoide 16 jours après le commencement des tueries mais ne le faisaient pas publiquement parce que le président Clinton avait déjà décidé de ne pas intervenir. Des documents de renseignement obtenus démontrent que le président et son conseil de ministres étaient presque certainement au courant d'une 'solution finale [planifiée] pour éliminer tous les Tutsis.' Et qu'ils l'ont été informés avant que les tueries aient atteint leur zénith. Une enquête du journal a découverte d'une mise à jour secrète de la CIA circulé au président Clinton, à son vice-président Al Gore et à des centaines de cadres a compris des rapports quasi-quotidiens sur le Rwanda. L'un d'entre eux, daté du 23 avril 1994, a indiqué que des rebelles du RPF allait continuer leur lutte pour 'stopper le génocide qui... se dirige vers le sud.' Trois jours plus tard, le secrétaire d'Etat Warren Christopher et d'autres ont été informé de 'génocide et partition' et des déclarations de la mise en place d'une 'solution finale pour éliminer tous les Tutsis. Pourquoi? L'administration Clinton craignait "que l'usage du mot [génocide] allait pousser l'opinion publique à lui exiger d'agir, ce qu'elle ne voulait pas," selon Alison Desforges de l'ONG Human Rights Watch. C'est pas que l'administration Clinton ne savait pas. Elle ne voulait pas savoir.


-Des opposants politiques hutus étaient également tués donc c'était pas un vrai génocide.


Le génocide avait sans doute un aspect politique. En fait, TOUS les génocides ont un aspect politique. Le plus souvent: trouver un bouc-émissaire pour distraire des populations vivant dans la misère. Le génocide est, par définition, un acte politique. Pourquoi? Le génocide signifie 'meutre d'une race.' Mais tous les êtres humains font partie de la même race: homo sapiens. Les différences principales entre les 'ethnies' sont sociologiques: religion, langue, moeurs, pratiques et traditions culturelles; au Rwanda: classe économique. Les Nazis ont ciblé les Juifs (religion différente) mais aussi les gais (moeurs différentes) et les Tziganes (traditions culturelles et langue différentes). Les Serbes ont ciblé les Bosniaques (religion différente). Nul ne dirait que la Shoah n'était pas un vrai génocide en raison du statut de cible non-exclusif des Juifs.


-Si les extrêmistes ciblaient tous les opposants, non seulement les Tutsis, ne devrait-on pas l'appeler 'politicide'?

L'un des désirs des extrêmistes était de nettoyer le Rwanda de tous ses Tutsis. Ceci est génocide, comme décrit clairement La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide Que les extrêmistes ciblaient ses opposants hutus modérés ne diminue point la sévérité des crimes des extrêmistes; il y a ajoute! Les extrêmistes ont perpétré génocide ET politicide.


That Hutu extremists also targeted moderate Hutu political opponents adds to the severity of what the extremists did, not diminish it. What the Hutu extremists did was genocide AND politicide.

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Demain: mythes et réalités, 2e de 2.

Lecture recommandée: J'ai serré la main du diable : La faillite de l'humanité au Rwanda du général Roméo Dallaire. Le chef des Casques bleues au Rwanda fait son récit.

8.4.04

RWANDA: LE DEROULEMENT DU GENOCIDE


Photo issue de: NPR. Des réfugiés proche d'une fosse commune. A l'époque, des émissions radiodiffusées appelaient les Hutus à tuer les 'cafards.' Des voisins ont tué leurs voisins et beaucoup de gens ont cherché le refuge dans les églises ou les écoles pour y trouver la mort.


A la suite de l'assassinat des chefs d'Etat rwandais et burundais le 6 avril 1994, le génocide se déroulé tout de suite. Le même jour, des milices extêmistes hutues commencent à tuer des Hutus modérés et tous les Tutsis. Le 9 avril, seuls trois jours plus tard, des journaux font déjà état de plusieurs 'dizaines de milliers' de morts. Ce jour-là, le général Dallaire demande que sa mission de 2500 soldats de maintien de la paix soit doublée. La France, les Etats-Unis et la Belgique rejettent cette requête pour des raisons propres à chacun.

La semaine suivante, des extrêmistes assassinent dix Casques bleues belges et les portent dans les rues de Kigali, la capitale rwandaise, devant les caméras. Cet événement est designé à choquer la Belgique pour qu'elle retire ses troupes, comme avaient fait les Américains en Somalie l'an précédent. Le plan réussit et les soldats belges quittent le pays le 15 avril.

Ne voulant pas se retirer seule, la Belgique demande aux Américains de mettre une fin définitive à la mission onusienne. Le secrétaire d'Etat (chef de la diplomatie américaine) Warren Christopher est d'accord et instruit Madeleine Albright, sa représentante auprès de l'ONU, d'insister sur une retraite totale. Elle s'y oppose farouchement, tout comme des pays africains.

Un plan 'compromis' finit par se faire adopter. Ce plan maintient les Casques bleues au Rwanda. Mais plutôt de doubler la mission, elle est réduite de 90% à quelques centaines.

Pas content de refuser le déploiement de leurs propres hommes, la France, la Belgique et les Etats-Unis refusent d'autoriser quelque intervention que ce soit afin de stopper ou empêcher le génocide... même une intervention venue d'ailleurs.

La Belgique ne veut pas être embarassée davantage à la suite de leur retraite hâtive. Les Etats-Unis sont paranoïques que même si un autre pays intervenait, les Américains allaient finir par être contraints de salir les mains... ce qui est inacceptable un après le débacle de Mogadisco. Depuis longtemps, la France entretient des relations amicales avec son régime-client à Kigali, le régime qui a planifié et met en oeuvre le génocide.

Désireux d'éviter la moindre éventualité d'intervention, l'administration Clinton refusent scrupuleusement d'employer le mot 'genocide,' même après qu'il soit claire sans l'ombre de doute que tel est le cas. Loin d'être accidental, ceci est délibéré. La convention internationale pour la prévention du génocide, ratifié par le Sénat américain, obligerait les Etats-Unis et d'autres pays à agir. Des communiqués sont distribués au sein de l'administration Clinton interdisant que les événements au Rwanda soient qualifiés de 'genocide.'

Six semaines après le début des tueries, le Conseil de sécurité autorisent enfin la requête de Dallaire pour 5000 hommes, principalement issus des pays africains. Washington offre l'usage des équipments militaires aux pays africains. Mais le Département américain à la Défense se disputent avec l'ONU pendant deux semaines sur des questions de logistiques. Au cours des deux semaines de paralysie bureaucratique, presqu'une centaine de milliers périssent. Les équipements n'arrivent qu'un mois plus tard.

Vers la fin du génocide, l'ONU autorise la France à intervenir unilaterallement dans le Sud-Ouest du Rwanda. L'opération Turquoise serait charger de créer une zone sûre et elle en crée... pour les tueurs. La zone turquoise permet aux cadres du régime génocidaire, les amis de l'Elysée, de fuir vers l'Est de l'ancien Zaïre. Les génocidaires sont en train de perdre la guerre civile au FPR, qui contrôle Kigali le mois suivant.

L'attitude de Paris fait partie d'une longue tradition. Pour des décennies, les gouvernements français de gauche et de droite appuyaient des dicatures africaines sanguinaires, comme ont fait les Etats-Unis en Amérique latine. En fait, un mot français est inventé pour décrire cette exploitation néo-coloniale entreprise sans la moindre hante: la Françafrique.

La réaction du chef de l'Etat français n'est donc pas étonnant. En juillet 1994, François Mitterand déclare: "Dans ces pays-là, un génocide, c'est pas trop important."

En 1998, une commission française enquête sur le rôle de France dans le génocide. Son président est un allié de feu le président Mitterand. Il est pas surprenant que le rapport blanchit la France et déclare qu'elle fut "nullement impliquée." La Belgique et l'ONU lancent leurs propres enquêtes qui sont un peu plus scrupuleuses. Aucune enquête n'est entreprise aux Etats-Unis.

Beaucoup aurait pu être fait pour stopper ou empêcher le génocide, même si le déploiement de troupes français, belges ou américains étaient hors de considération. Ce point est capital. Certains préfèrent réduire tout à une dichotomie: envoyer des troupers ou faire absolument rien. Cette dichotomie est non seulement simpliste mais fausse.

Mais ceci sera élaboré demain.

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Demain: Mythes et réalités sur le génocide.

Lecture recommandée: Dossier de Radio France Internationale sur le Rwanda.

7.4.04

RWANDA: HISTOIRE D'AVANT GENOCIDE


Photo issue de: BBC News.com. Une femme victime vivante du génocide. Cette femme fut prise comme esclave sexuelle de quelques extêmistes hutue. Elle croit avoir été violée à plus de cent reprises. Elle s'est contractée par la suite le sida et se retrouve dans les derniers jours de sa vie. Elle affirme vouloir n'avoir pas survécu aux massacres.



Le territoire devenu Ruanda-Urundi est colonisé par les Allemands mais passe sous la tutelle belge après la Guerre de 14-18. La population est quasi-homogène. Presque tout le monde, sauf une petite population de Twas, parle la langue kinyarwandaise et tient aux mêmes traditions culturelles. Les colonisateurs belges divisent la communauté en deux groupes: ce qu'ils appellent Tutsi et Hutu. Les commerçants et d'autres traités de bourgeois deviennent donc 'Tutsis' et le reste (principalement agriculteurs) devient 'Hutu.' Les Tutsis se font assimiler dans la fonction publique et facilitent les petites tâches de gouvernance à travers la colonie. C'est la stratégie de diviser pour mieux conquérir.

En 1959, le territoire acquiert la souverainété et devient deux pays indépendants: le Rwanda et le Burundi. Ayant fait partie de l'élite coloniale dirigeante, les soi-disant Tutsis sont, par définition, une minorité. Par la suite, ils sont considérés comme avoir été complicites avec les colonisateurs. Après l'avènement de l'indépendance nationale et la prise de pouvoir par la majorité des soi-disant Hutus, la haine anti-tutsie est alimentée et exploitée par des homme politiques de mauvaise foi.

Dans les années 60 et 70, ont lieu au Rwanda plusieurs massacres anti-tutsis, typiquement lancés lorsque les régimes ont besoin de bouc-émissaire pour distraire les populations vivant dans la répression et la misère (comme est le cas pour la quasi-totalité de tels massacres de l'histoire).

En 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), dominé par les Tutsis, envahit le Rwanda depuis l'Ouganda voisin. Après trois ans de guerre civile, un accord de paix est signé entre le gouvernement rwandais et le FPR. Les accords d'Arusha (la ville tanzanienne où ils sont signés) prévoient un gouvernement intérimaire qui intègre les cadres du FPR.

Les proches du dictateur Juvénal Habyrimana détestent ce partage de pouvoir. Ce cabal mafieux traitent les accords de capitulation et refusent de céder leurs situations priviligiées. Des situations qui leur accordent, naturellement, 'accès' à des richesses.

Le chef de la faction la plus extrême est la femme du dictateur, Agathe Habyrimana (Dame Macbeth), sa famille et leurs siens.

L'éventualité d'un partage de pouvoir les font paniquer. Ensuite, ils conçoivent un plan pour débarasser le régime de tous ses opposants. Le FPR est principalement tutsi. C'est donc un plan pour le génocide.

Après les accords d'Arusha, une mission onusienne de maintien de la paix. Mais elle est accordée un nombre miniscule de troupes et un mandat très limité. Essentiellement, ils sont des observateurs sans aucune autorisation d'utiliser la force. Toute violation des accords de paix sera communiquée au... gouvernement rwandais.

En 1994, le chef des forces onusienne, le généal canadien Roméo Dallaire, apprend des informateurs que des tueries massives sont planifiées. Dallaire est informé que des extrêmistes hutus "ont été ordonnés à enregistrer tous les Tutsis de Kigali," la capitale rwandaise.

Bouleversé, le chef des Casques bleues demande permission de saisir les caches d'armements des extrêmistes hutus. Cette permission est refusée par l'Office onusien de maintien de la paix, geré alors par Kofi Annan. Le député d'Annan ordonne à Dallaire de transmettre ses renseignements aux gouvernements français, américain, belge et... perversement, rwandais. Le gouvernement responsable dudit plan.

Dallaire s'engage dans un bras-de-fer avec New York pour pouvoir agir, mais il perd cette bataille, une bataille perdue qui en précède de pires. Ce refus est sous le prétexte que les gouvernements occidentaux ne seraient pas d'accord donc ça ne vaut pas la peine de le leur demander.

Le 6 avril 1994, l'avion transportant Habyrimana et son homologue burundais est abattu. Tous les deux chefs d'Etat et d'autres passagers sont morts. C'est le prétexte tant attendu pour les extêmistes de mettre en oeuvre leur génocide planifié. En 100 jours, quelques 800 000 personnes sont massacrées. Principalement des Tutsis, mais beaucoup de Hutus modérés partisans du multipartyisme ou autrement opposés à la dictateur.

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Demain: le déroulement du génocide et le refus volontaire du reste du monde d'agir.

Lecture recommandée: Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles de Philip Gourevitch. Le récit définitif du génocide et des événements qui y menaient. Cliquer ici pour en savoir plus.



RWANDA: DIX ANS APRES



Hier marqua le 10e anniversaire du déroulement du génocide rwandais. L'assassinat du dictateur rwandais fut le prétexte pour des extrêmistes de mettre en oevure un génocide bien planifié contre la minorité tutsie. Les tueurs ciblaient également des Hutus modérés qui appuyait un plan de partage de pouvoir avec les Tutsis, farouchment opposé par les extrêmistes. Pendant la sauvagerie, 800 000 personnes ont été massacrées en 100 jours: 5 1/2 morts chaque minute de chaque heure de chaque jour durant plus de trois mois. Loin d'être caché comme bien d'autres massacres, ce génocide fut diffusé en direct sur CNN et la BBC. Hier marqua le début d'une semaine de commémorations de cette pire tragédie depuis l'Holocauste. En l'honneur de cela, j'essaie d'inscrire un article chacun des prochains sept jours sur le sujet.



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Demain: l'histoire du Rwanda d'avant-génocide.

Lecture recommandée: Dossier sur le génocide du Monde.