2.6.03

LA DIFFERENCE ENTRE IMMUNITE ET IMPUNITE N'EST QU'UNE SEULE LETTRE
La semaine passé, la bibliothèque locale a passé le film The Pinochet Case (L'Affaire Pinochet) du Chilien Patricio Guzman. Ce documentaire raconte la procédure judiciaire qui a mené à l'arrestation de l'ancien dictateur chilien le général Augusto Pinochet.

Le documentaire montre des entrevues avec des victimes et parents de victimes du régime de l'homme en lunettes fumées ainsi qu'avec les avocats qui ont lutté pour que le général soit traduit en justice. Mais le réalisateur Guzman s'est entretenu également avec plusieurs supporteurs britanniques de Pinochet et a passé de longues extraits de leurs commentaires.

Les supporteurs ont insisté à maintes reprises que les chefs d'État, tant actuels qu'anciens, devraient jouir d'une immunité d'une telle poursuite. En fait, cette notion d'immunité diplomatique était au coeur de la stratégie judiciaire de la défense de Pinochet.

J'ai trouvé ça bizarre et remarquable. Remarquable parce que personne n'a insisté sur son innocence, qu'il n'avait jamais fait ce dont il était accusé, qu'il n'était pas responsable. Au contraire, ils ont insisté que Pinochet ne devait pas répondre aux accusations. Qu'il n'avait pas le devoir d'expliquer ce qu'il aurait ou n'aurait pas fait.

Les supporteurs de Pinochet prétendent qu'aucun chef d'État actuel ou ancien ne devrait être poursuivi pour les crimes qu'ils auraient commises ou dont ils auraient été responsables pendant son règne. Le seul fait d'être chef d'État donne immunité. C'est non seulement bizarre mais contraire à toute notion d'État de droit.

Les simples citoyens doivent obéir aux lois, faute de quoi ils doivent se présenter à un tribunal pour expliquer ce qu'ils ont fait. Le chef d'État est l'exécutif, responsable d'assurer que toutes les lois sont respectées. Contraire au simple citoyen, le chef d'État prête serment pour défendre la constitution, exécuter les lois d'une manière juste, ainsi de suite. S'il est homme militaire, comme Pinochet, il prête un autre serment aussi.

En prêtant ce serment, le chef d'État se subjuge à un devoir plus important que celui du simple citoyen, qui ne prête aucun serment. Comment un chef d'État peut-il exiger que toutes les lois soient respectées s'il refuse de se soumettre aux mêmes lois?!

Certains prétendent que les chefs actuels devraient jouir d'une telle immunité temporaire pour que le temps du chef ne soit baffoué par les poursuites farfleues au détriment des affaires d'État. Cependant, cet intérêt public ne s'applique nullement aux ANCIENS dirigeants. Pourquoi devrait-on jouir d'une immunité à vie pour le seul fait d'avoir provoqué un coup d'État militaire anti-constitutionnel? Je comprends pourquoi les putschistes aimeraient cette notion d'immunité. Ce qui est moins clair est pourquoi les pays qui se disent États de droit seraient également d'accord.

La compétence universelle est le principe que certains crimes sont si odieuses, si outrageuses à la race humaine, que tout pays devrait pouvoir en juger les auteurs. Il s'agit principalement des pires crimes contre l'Humanité dont le génocide, le nettoyage ethnique et la torture. Ici, un juge espagnol a prétendu que les accusations de torture contre Pinochet devraient être entendues en Espagne parce que les cours chiliennes en refusaient. La Cour suprême espangole l'a agréé et a demandé à la Grande-Breteagne d'extrader Pinochet (qui subissait une procédure médicale à Londres). Beaucoup de victimes de Pinochet était citoyens espagnols.

Selon certains, la compétence universelle va à l'encontre du principe de souverainété nationale. Mais, l'immunité totale accordée aux anciens chef d'État va à l'encontre des principes les plus fondamentaux de l'État de droit: que les lois s'appliquent également à tout le monde. De plus, la plupart des pays ont agréé VOLONTAIREMENT ET DE LEUR PROPRE GRE les traités internationaux contre ces pires abus.

Certains condamnent le système actuel de tribunaux internationaux pour des guerres spécifiques comme prédecesseur de la Cour pénale internationale, tant détestée par le camp pro-souverainété nationale. Ignorons pour un moment que beaucoup gens issus de ce camp étaient d'accord de violer la souverainété nationale d'un certain pays pétrolier du Moyen-Orient. Néanmoins, le fonctionnement de ces tribunaux a abouti A CAUSE de la coopération volontaire des pays (souverains) en question!

Le Tribunal pénal international [TPI] pour le Rwanda a travaillé étroitement avec le gouvernement rwandais en poursuivant les gens impliqués dans le génocide de 1994. Il est vrai que le gouvernement s'impatiente de la lenteur des procès mais la collaboration continue. Le TPI pour la Sierra Leone a été mis en oeuvre avec la coopération du gouvernement de Freetown. Mais dans le cas du TPI pour l'ex-Yougoslavie, Slobodan Milosevic n'a pas été capturé par les soldats de l'OTAN; il a été remis à La Haye par le gouvernement de la Serbie.

Les supporteurs les plus féroces de Pinochet et de cette notion de l'immunité sont des conservateurs dont Margaret Thatcher et certains des ces proches. Pinochet a ses amis aux États-Unis également. Cependant, ces gens ne criaient pas "immunité aux chefs" lorsque le président Bush père a envahi le Panama afin d'arrêter le dictateur Manuel Noriega. Ils ne craient pas "immunité aux chefs" lorsque le procureur Kenneth Starr poursuivait Bill Clinton. Et je vous promets qu'aucun conservateur ni aux États-Unis, ni en Grande-Bretagne ne criera "immunité aux chefs" si l'on retrouvera Saddam Hussein.

La différence entre les mots 'immunité' et 'impunité' n'est qu'une seule lettre.